La bataille inaugurale du féminisme est bien vivante : Simone de Beauvoir reprochait dans Le deuxième sexe à Emmanuel Levinas de vouloir faire de la femme la figure de l’autre quand elle estimait que les femmes voulaient simplement être traitées fraternellement par les hommes. Les femmes ont-elles pour s’affirmer tout à gagner en détournant les armes des hommes ou en luttant contre la pornographie qui véhicule une image dégradante de la femme ? Emilie Jouvet répond à sa manière en filmant dans Too much pussy des féministes exhibitionnistes, performeuses du sexe, actrices pornos, musiciennes, etc., embarquées sur un van en route vers les clubs interlopes d’Europe pour un spectacle de cabaret queer, transgenre, exhibitionniste et féministe, qui amuse, séduit, dérange aussi comme un soir à Bruxelles où la liberté de ces jeunes femmes ne plaît pas à tout le monde. Les jeunes femmes exhibent leur col de l’utérus au public, se masturbent jusqu’à l’orgasme, détournent les fantasmes masculins (la lolita, la poupée, le strip-tease soumis, etc.) devant un public des deux sexes plutôt bobo venu bercer sa libido au rythme des mélodies trash des nouvelles sexualités mises au goût du jour depuis le succès de Tournée de Mathieu Amalric l’an dernier.
Too much pussy marque une nouvelle étape pleine d’humour de l’affirmation des femmes dans la sphère publique. Là où l’on pouvait reprocher à Mathieu Amalric de détourner l’intrigue de son film sur son mal-être de petit Français de la rive gauche parti tourner James Bond et pour Steven Spielberg, au lieu de nous raconter l’histoire de ces femmes extraordinaires qui devenaient du coup un peu évanescentes, Emilie Jouvet ne lâche pas une minute ses copines exhibitionnistes en lutte contre les préjugés, la sexophobie, l’homophobie (le tournage est marqué par le meurtre de deux homosexuels à Tel-Aviv et l’agression d’un homosexuel à Paris), la misogynie, mais surtout la peur des femmes de s’aimer (Montaigne disait pourtant que la plus grande sagesse était d’avoir de l’amitié pour soi). Face à une telle montagne de bêtise, une caméra, promesse de soleil levant.