
Rappelons-nous que dans l’Antiquité grecque, être politique signifiait pénétrer dans le site de l’histoire, c’est-à-dire dans les lieux mêmes où notre époque fabrique de l’histoire, en fréquentant les personnages qui subissent et participent à la création de cette histoire.
Deux films projetés au Festival Côté Court de Pantin nous semblent raconter des manières très contemporaines de fréquenter l’histoire, Dancing Odéon de Kathy Sebbah, docufiction tourné dans un dancing de seniors en Haute-Garonne venus chercher du rythme, de la séduction ou plus si affinités, et Le jour où le fils de Rainer s’est noyé d’Aurélien Vernhes-Lermusiaux, ou la difficulté pour un homme et une femme (Adélaïde Leroux, révélée par Flandres de Dumont) d’apprendre à une famille heureuse la mort de leur fils dans un décor post-industriel du nord de la France.
Kathy Sebbah, auteure il y a quelques temps d’une fiction attachante (La harde), s’est entraînée dans un rivage peu fréquenté en cette époque de jeunisme généralisé. Les visiteurs seniors du Dancing Odéon viennent tromper la solitude, dragouiller devant leur femme ou alors ouvertement chasser pour la nuit, quitte à mourir, comme en rêvait Dalida, sur scène. Le micro permet de saisir des bribes d’actes manqués, de vulgarité et de vrais câlins. La hola finale, trompe la mort, des danseurs, est le plus beau geste de vouloir-vivre offert par le cinéma cette année.
Aurélien Vernhes-Lermusiaux affûte ses gammes depuis quelques années, en fréquentant le rivage de Chris Marker et Antonioni (The passenger), d’Ingmar Bergman et Monte Hellman (Le rescapé, Prix de la presse à Côté Court en 2010), les photographes allemands Bernd et Hilla Becher et le cinéaste russe Tarkovski (Le jour où le fils de Rainer s’est noyé). Il offre avec son dernier film, dans un magnifique noir et blanc, en plan séquence, dans le dépressoir des sites industriels du nord, une mystique sans dieu du visage et de l’angoisse d’annoncer le pire, ses pauvres personnages ne pouvant même plus se parler secoués qu’ils sont par le passage des Rafales qui préparent une guerre virile affectionnée par notre président de la République en Afghanistan ou en Afrique. Concentré d’image, de son et de magie, Le jour où le fils de Rainer s’est noyé est à nos yeux la plus belle réussite esthétique, poétique et politique du festival.
Le programme de fiction 3 qui inclut Dancing Odéon de Kathy Sebbah sera rediffusé au Festival Côté Court de Pantin le mardi 21 juin à 22 heures.
Le programme de fiction 7 qui inclut Le jour où le fils de Raïner s’est noyé d’Aurélien Vernhes-Lermusiaux sera rediffusé à Côté Court le 21 juin à 18 heures et le vendredi 24 juin à 20 heures.