On a tous une grand-mère qui a eu du mal à mourir disait Gilles Deleuze, mais ce n’est pas une raison pour en faire une fiction. Les cinéastes français sont plus que leurs homologues étrangers menacés de réalisme dans un pays où le financement important des chaînes de télévision et l’héritage du roman réaliste du XIXe siècle ont façonné un langage plat et commode qui n’engage à rien.
Le court-métrage est un domaine où il est possible d’explorer des personnages qui se rêvent plus grand que la vie sans mettre une ville à feu et à sang, comme le jeune homme d’origine chinoise de Sous la lame de l’épée de Hélier Cisterne, le timide matheux du fond de la classe qui s’invente une vie de ninja la nuit en taguant dans le métro parisien. L’idée attachante du cinéaste, filmer l’invisibilité dans une ville anthropophage qui dévore les corps et les recrache au cimetière de Pantin, aurait mérité d’être davantage mise en image par la manière dont le personnage se rêve plus grand que les bobos blancs aux cheveux gras qui embrassent sans se forcer les jolies filles.
Dans le même programme, Rêve bébé rêve de Christophe Nanga-Oly possède, derrière les défauts classiques des jeunes cinéastes issus de la FEMIS (une confusion entre l’éloge de la glande et la joie de glander chez Eustache ou Demy, des personnages qui frôlent la caricature, bobos très bobos, voyous très racailles, travestis très grande folle, etc., et des sentiments un peu binaires je t’aime à la folie/pas du tout), un souffle rare porté par ses jeunes amoureux dont l’histoire est brisée par la rencontre de voyous qui refont le portrait du jeune homme consolé par sa mère (la très admirée Elli Medeiros).
Voilà, nous restons un peu notre faim sur les manières d’explorer ce thème passionnant, mais nous attendons avec une grande impatience le premier long-métrage de Thomas Salvador, qui a enchanté le festival en 2010 (son très grand film court De sortie sera projeté au Ciné 104 le 19 juin à 18 heures et à l’Ecran de Saint-Denis le 23 juin à 20 heures), peut-être dans un an et demi, sur un superhéros dans un cadre quotidien.
Le second programme de Fiction du Festival Côté Court de Pantin sera projeté les 19 juin à 18 heures et 21 juin à 22 heures.