Visages, villages de Agnès Varda et JR : les cercles concentriques des mémoires et des territoires

Agnès Varda et JR : Visages, villagesC’est un film pour le beau visage d’une vieille dame sortant de sa maison, la seule encore occupée d’une rue de maison de corons promise à la destruction, pleurant en voyant son image reproduite en grand format sur le mur, pour cette équipe d’ouvriers et de cadres d’une usine chimique du sud de la France réunis le temps d’une photographie, pour les regrets d’une serveuse dérangée dans sa discrétion en voyant son profil reproduit sur la façade d’une maison du Lubéron, pour le souvenir de l’adolescence malheureuse du photographe Guy Bourdin, pour la facétie du grand artiste de rue JR créant un duo improbable avec la vénérable Agnès Varda…

Oublions la rencontre manquée de la fin avec un cinéaste célèbre pour ses rendez-vous manqués, il n’avait rien à faire dans ce film dédié aux cercles concentriques qui racontent une ville, un territoire et même un pays pour ceux qui ne goûtent guère les termes de nation ou de patrie. Les admirateurs inconditionnels de JLG y verront même un clin d’oeil du cinéaste à la fidélité à la joie de Jacques Demy et à la fidélité des débuts. JR et Agnès Varda ont le talent de créer des machines attrape-mémoire comme les cercles du très beau roman posthume d’Antonio Tabucchi, Pour Isabelle. Tel l’écrivain italien en “Philip Marlowe métaphysique”, les deux artistes soulèvent de braves gens invisibles en héros mythiques de micro-mythologies qui ne seront pas moins oubliées que celles de Napoléon ou de Picasso, mais méritent tout autant de tenir l’affiche.

 

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