C’est un maître du marketing de la haine qui clôt la trilogie du “mal” de Barbet Schroeder après les portraits du dictateur Idi Amin Dada et de l’avocat Jacques Vergès pour son amitié avec Pol Pot. Le W. du titre est un moine birman exploitant les peurs du peuple birman pour accuser la minorité musulmane du pays, les Rohingyas, représentant 4 % de la population, de tous les maux, et pousser le peuple au pire en diffusant vraies et fausses nouvelles.
La belle voix chevrotante de Bulle Ogier épouse le film pour porter la voix du bouddhisme pacifique en contrepoint à l’idéologie haineuse du moine qui exploite particulièrement depuis 2003 les viols, apparemment très rares, commis par des Musulmans sur des femmes bouddhistes, pour déclencher des pillages et des incendies dans les quartiers musulmans des villes birmanes. Les émeutes successives depuis une quinzaine d’années ont conduit environ 150 000 Rohingyas à se réfugier dans des camps, et le loybbing actif de W. auprès de la population lui a permis d’obtenir des lois extrêmement régressives à l’encontre des musulmans birmans, y compris depuis l’accession au pouvoir de la lauréate du prix Nobel de la Paix, Aung San Suu Kyi.
Barbet Schroeder utilise des archives insoutenables pour présenter la violence des pillages et des massacres de Rohingyas par des émeutiers et parfois des moines armés de batons et de sabres. Le film prend le temps de décrire la puissance marketing de ce vendeur très moderne de haine, maître dans l’art des réseaux sociaux, des dvd bon marchés et des prières publiques mêlant religion et politique pour diffuser sa propagande anti-musulmane.
Le vénérable W. est un film très impressionnant pour avoir réussi à capter le sourire imperturbable de ce maître tueur drapé dans la lutte contre la corruption du peuple et de sa race pour justifier toutes les horreurs et les mensonges, admirateur de Donald Trump et contempteur de “Merkel et Cie”, ou de tous ceux qui participent à l’accueil de réfugiés musulmans. L’usage tardif dans le film d’une archive de TF1 datant de 1978 présentant l’exil des Rohingyas, victimes de meurtres et de viols, chassés à l’époque de la Birmanie militaire qui venait de trouver du pétrole dans leur région, forme une boucle sur la persécution dont ce peuple est victime. L’appel à l’amour prôné par le Bouddha cité en clôture du film, alors que les accusations de génocide montent dans de nombreux pays, ne sera sans doute pas suffisant pour sauver les Rohingyas, et que W. mobilise parfaitement ses troupes contre l’ONU et les droits de l’homme. Il faut aussi voir Le vénérable W. pour saisir l’archétype du tueur de masse, souriant, patient et payant, de notre siècle.