Le dialogue très riche entretenu dans les installations vidéos de Peter Campus, pionnier de l’art vidéo né en 1937 à New York, entre l’image du visiteur et son double fait l’objet de la première exposition de l’artiste en France qui décrit ainsi son travail : “ce que je cherche à faire dans mes installations est d’engager le visiteur dans une relation à une projection de soi et ce que je fais est de manipuler certaines images ou aspects de soi“.
Les installations des années 70 mettent systématiquement en jeu un double ironique du visiteur qui chercherait en référence aux dialogues socratiques à se moquer géométriquement du visiteur pour lui faire entendre le contraire de ce qu’il attend. Anamnesis projette sur un écran deux doubles mouvants du visiteur, la seconde série d’images étant prise avec 3 secondes de décalage. Interface (photo) confronte le visiteur à son reflet sur une vitre, et à son double pris par une caméra placée derrière la vitre et projetée sur le mur à travers celle-ci. Les doubles “s’écartent ou se superposent simultanément selon le déplacement du visiteur”.
Les travaux vidéophotographiques postérieurs à 1979 rapprochent ses oeuvres de la peinture de Nicolas de Staël, notamment dans sa puissante Vague (2009) transformée en cubes mouvant au rythme et au son de la mer, jusqu’à l’oeuvre placide et apaisée tournée en 2016 dans le port de Pornic, arpenté par votre serviteur au moins une fois par an depuis près de 40 ans, Convergence d’images vers le port, comme une ultime tentative de l’artiste d’ouvrir l’accès au monde par le croisement de quatre caméras.
Peter Campus, focalisé sur l’interaction physique du spectateur avec l’oeuvre qu’il contemple, ouvre ses installations emblématiques des années 70 au-delà de la nature morte exposée dans la plupart des musées, empilement de corps désirés, arrachés à l’oubli par la projection de l’artiste. L’artiste américain offre une chance au spectateur, pour reprendre les mots de Giorgio Agamben dans L’ouvert de l’homme et de l’animal, “d’apprendre à s’ennuyer, réveillé de sa propre stupeur et à sa propre stupeur. Ce réveil du vivant à son propre être étourdi, cette ouverture, angoissée et décidée, à un non-ouvert, c’est l’humain“.