“If I cut you down, will you help me ?” demande Hilary Swank à Tommy Lee Jones au bout d’une corde : à savoir, si je coupe tes liens, si je t’abats mais aussi si je te la coupe, est-ce que tu m’aides ?
C’est donc un homme castré qui accompagne une brave méthodiste chargée par sa communauté de pionniers de ramener à l’Est trois femmes folles, entre sévère dépression et schizophrénie accompagnée d’automutilations. En apprenti psychiatre, Tommy Lee Jones dénoue les liens des jeunes femmes, les aide à faire pipi, les nourrit… jusqu’à devoir s’occuper de la brave méthodiste débordée par le vertige de sa nef des fous, la rudesse du voyage et ses désirs de femme.
Le western poursuit avec The Homesman son rattrapage après avoir été le genre le plus raciste, misogyne et révisionniste. Le voilà féministe, anti-enfermement et anti-spéculation : Tommy Lee Jones met le feu à l’hôtel d’une bande de propriétaires terrains qui lui refusent de quoi manger sous prétexte que le festin qu’ils préparent est réservé à d’importants clients.
Tommy Lee Jones, immense comédien inquiet, en colère et amoureux, est trop porté à l’admiration pour être un grand cinéaste. On retrouve dans ses films des anti-héros crépusculaires comme dans les romans de Cormac McCarthy qui est son ami, des comédiens de mes frères Coen (la jeune Hailee Steinfeld de True Grit) pour lesquels il interpréta No country for old men, et une mélancolie eastwoodienne sur le fait que tout homme prend la place d’un autre en amour, en affaires ou en amitié. Les admirateurs peuvent aussi être doués d’une lucidité supérieure qui échappe aux grands artistes qui passent leur vie à varier sur un thème porté comme un rêve de révolution keplerienne (dans le sens où Copernic ne fait que reprendre 1700 ans plus tard la certitude d’Aristarque de Samos concernant le fait que la terre tourne autour du soleil, alors que Kepler découvre que la terre accomplit des ellipses autour du soleil). Tommy Lee Jones synthétise l’art de ses idoles pour donner forme à la déchéance des héros de l’ouest qui s’avouent enfin châtrés.