Noir, noir Mexique où une gamine de 12 ans amoureuse d’un policier de cinq ans son aîné précipite sa pauvre famille en enfer alors que l’amoureux dérobe de la drogue à ses collègues corrompus pour s’enfuir avec la gamine. Le cauchemar embarque le frère de la victime, le Heli du titre du film dans une série de tortures et de menaces envers sa famille, à commencer par la première scène du film, mise en scène appréciée des médias mexicains : une pendaison du traître au milieu de la rue.
Le dernier promu du dernier Festival de Cannes, prix de la Mise en scène, débarque quelques jours avant le dévoilement des films de la prochaine compétition. Heli donne une idée de la puissance d’une mise en scène dépouillée que l’on retrouve chez d’autres cinéastes contemporains qui privilégient la lente apparition du personnage dans une nature élevée à la puissance du cosmos, notamment Bruno Dumont ou Lars von Trier.
L’aspect le plus intéressant du film tient à la description d’un monde où l’homme n’a plus aucune confiance en ses institutions, les commandos anti-drogue mettant en scène la destruction de stocks de drogue dans les médias avant d’en écouler une partie en participant au business de l’horreur. Les femmes se gardent des hommes qui veulent jouir d’elles sans en assumer les conséquences. Les hommes triment comme des bêtes de somme pour faire survivre leur épouse qui baigne dans l’ésotérisme. C’est un monde où une léthargie prudente a pris la place laissée vacante par l’abandon des rites au dieu des chrétiens mexicains comme dans l’expression de Lacan “à Dieu est mort répond plus rien n’est permis“.
Une fois que l’horreur investit son foyer, le héros redresse la tête en désobéissant aux fameux dix commandements qui constituent la base d’une civilisation fondée sur la répression des pulsions. Il ment aux policiers et retrouve sa position d’être humain en se conduisant comme une bête contre l’agresseur de sa soeur. Escalante dresse le portrait d’un monde où les citoyens abandonnés par leur état reprennent le chemin qui mène de la violence légitime vers la dignité de tout homme. Ce constat effrayant est le portrait d’une l’humanité qui ne se contente pas des divinités imposées par le marché pour suppléer à l’absence de réponse.