A-t-on jamais vu film français à gros budget aussi bien écrit, capable de se mesurer avec des pointures de l’écriture comme David Simon auteur de la série The Wire (Sur écoute) ou pour les meilleures parties du film, avec les auteurs du scénario de La Taupe ?
Nous avons trop vite oublié l’importance du premier film d’Eric Rochant, Un monde sans pitié, triomphe public qui révéla Hippolyte Girardot, et comme je l’expliquai au Théâtre de la Croix-Rousse à Mireille Perrier amusée rendit tous les hommes amoureux d’elle. Un peu après venait Les patriotes, sur des agents secrets israéliens infiltrés en France, puis vingt ans de mauvais films et de solitude.
Möbius est une conjuration du sort pour le cinéaste, un retour au film d’espionnage qui s’ouvre d’un vol d’hélicoptère sur le royaume monégasque sur de la musique russe, puis d’un travelling aérien sur le monde cynique de la finance porté par le visage angélique de Cécile de France. Les services russes menés par le colonel Lioubov (Jean Dujardin) veulent recruter la jeune femme pour faire tomber son employeur oligarque, mais celle-ci est surveillée par les services américains…
Difficile de savoir qui manipule qui dans cette fresque politique qui se clôt sur la perspective d’une future guerre sanglante et cynique préparée par les services américains en Iran et applaudie cette semaine par Hollywood avec la bénédiction de la Maison Blanche, les services russes leur promettant un “bourbier encore pire que l’Irak” (renvoyé depuis 2003 au Moyen-Age, pour s’emparer du pétrole irakien, comme le prouvent les articles publiés par Peter Harling dans le numéro du mois de mars du Monde diplomatique).
Bien sûr, le cinéaste a l’intelligence de masquer les enjeux géopolitiques de son film derrière la façade du divertissement et une histoire d’amour impossible portée par de très bons comédiens, au premier rang desquels Cécile de France en amoureuse passionnée parce que ce qui lui manque fait toute la réalité du monde où elle se promène, comme dans le ruban de Moebius décrit par Jacques Lacan, où “l’insecte a la représentation de ce que c’est qu’une surface, peut croire à tout instant qu’il y a une face qu’il n’ a pas explorée, celle qui est toujours à l’envers de celle sur laquelle il se promène“. Ils s’embouchent et se promettent dans ce film où la scène la plus hitchcockienne confronte au téléphone les amants entourés et sur écoute sont obligés d’employer un langage codé pour prendre leur piqûre d’amour avant l’inévitable déchirure. Frères humains, embouchez avant qu’il ne soit trop tard.
Mobius Bande annonce du film par LE-PETIT-BULLETIN