Passion de Brian de Palma : le corps à l’ère du prêt-à-jouir

Le cinéaste de l’époque de la virtualisation du plaisir (sublimer le son du cri d’une femme aimée disparue dans Blow out, courir après l’argent et les femmes et ne pas en profiter dans Scarface…) a trouvé un sujet de choix dans le scénario déformé de Crime d’amour d’Alain Corneau qui se déroule dans l’univers de la publicité et son lot d’ustensiles prêts-à-jouir dont me parlait le psychanalyste Paulo Queiroz : les réseaux sociaux pour faire l’économie de l’amitié, la pornographie pour faire l’économie de la séduction, la technologie (voitures intelligentes, téléphones intelligents… dont la puissance est démultipliée par le positivisme de la langue anglaise :smartphone, smart car, smartgrid, etc.)pour faire l’économie du contact humain.

Une publicitaire ambitieuse brune (la comédienne suédoise Noomi Rapace et son inquiétant visage d’oiseau) qui pense avoir l’amitié de sa supérieure hiérarchique blonde (Rachel McAdams) découvre que celle-ci se sert d’elle pour obtenir une mutation à New-York. La première balance sur internet la publicité qu’elle a inventée pour démontrer qu’elle en est l’auteur, déclenchant l’ire de la chef qui n’aura de cesse de l’humilier. La blonde meurt, alors qu’elle s’apprêtait à révéler l’arnaque commise par l’amant de la brune…

Brian de Palma retrouve ses sommets de Blow out et L’impasse avec sa mise en scène élégante qui mêle caméra subjective, split-screen (écran coupé en deux, lorsque la brune assiste au ballet Prélude à l’après-midi d’un faune de Debussy, qui annonce avec celle de Wagner toute la musique du XXe siècle, pendant que se déroule le meurtre) et un bon usage de la confusion entre le rêve et la réalité lorsque la brune, méprisée et humiliée par sa chef, s’enfonce dans la spirale des cachets et de la dépression.

C’est bien sûr de l’entreprise moderne dont il est question, lieu où la libido humaine est entièrement détournée vers la performance professionnelle, lieu de l’ab-sexe puisque l’amour et la passion nuisent à la performance et à la nécessaire neutralité des conditions de travail. Brian de Palma filme le retour de la bête, l’après-midi et le crépuscule du faune, le désir de morsure qui saisit celles et ceux qui ne résistent plus à la cage à pulsions (titre d’un autre film du cinéaste américain) sur laquelle est bâtie notre société. Au corps qui ment moins que la bouche.

Passion – Brian De Palma – Teaser (VOSTFR/HD) par 6ne_Web

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