Gerhard Richter au Centre Pompidou : le flou et l’intime

Les toiles figuratives représentant les proches de Gerhard Richter sont les plus saisissantes expressions de la beauté dans la peinture européenne depuis le geste de Vincent Van Gogh et Paul Gauguin. L’exposition Panorama au Centre Pompidou offre la chance au public qui fréquente la capitale de découvrir pour la première fois des oeuvres éparpillées dans le monde entier (Betty au Musée de Saint-Louis, Nu dans un escalier à Cologne, Lectrice au Moma de Washington…) dont nous n’évoquerons que la partie relative aux tableaux intimes du peintre allemand né en 1932, laissant à d’autres le soin de commenter ses tableaux abstraits, les toiles qui évoquent le douloureux passé allemand ou sa célèbre série consacrée à l’exécution de la bande Baader-Meinhof.

Les trois tableaux évoqués ici représentent exactement le type de beauté à laquelle nous aspirons, une beauté dégagée du souci du réalisme (“pas une image juste, juste une image” écrivait Godard), portée par le goût de l’histoire de l’art, de l’histoire et de l’art, et poussée par une salve d’avenir (même si nous élevés à une autre époque de bruits de botte ne la concevons plus sans l’altérité).

Alors que nous venons de passer l’heure de film monté pour L’or de leurs corps (il reste de 15 à 17 minutes montables), nous sommes amenés à préférer parfois des plans légèrement flous tournés en s’adaptant à l’énergie des collégiennes filmées et aux contraintes du tournage plutôt que des plans hyperréalistes permis par le format Full HD. Il est surprenant que parmi les cinéastes contemporains, seul Lars von Trier ose, notamment dans Melancholia, le flou au moment où la caméra ajuste le point. Le flou fait participer le spectateur à l’acte créateur et comme l’écrit Achim Borchardt-Hume, “le flou typique de Richter adoucit le photoréalisme de la peinture et rehausse l’aura romantique du motif” . Nous ne sommes pas encore en mesure de flouter certaines parties situées sur le même plan que d’autres parties nettes, comme le fait Richter pour Lectrice et Betty, mais nous nous sentons en filiation devant chaque tableau représentant les muses du peintre (sa fille et sa femme), à propos desquels Birgit Pelzer écrit : “la fonction de la beauté n’est pas de nous leurrer, mais nous éveiller. Par cette fonction d’éveil décisif, elle est ce qui nous surprend. Le beau est l’ultime barrière qui nous protège de ce qui est insupportable : le réel.”

Panorama Gerhard Richter au Centre Pompidou, jusqu’au 24 septembre 2012

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