C’est l’un des derniers très grands films français qui ressort aujourd’hui en copie restaurée, l’un de ses derniers films classiques dans le sens où chaque plan des Parapluies de Cherbourg compte, contrairement aux grands films réalisés depuis trente ans (A nos amours, Sans soleil, Les glaneurs et la glaneuse, La graine et le mulet…), dont l’importance tient davantage de la direction d’acteurs, du discours, du montage ou du cadre que de la mise en scène.
C’est une histoire d’amour impossible comme toujours chez Jacques Demy, entre un garagiste envoyé à la fin 1957 en Algérie où “le soleil et la mort voyagent ensemble”, seule manière de parler à l’époque dans le cinéma de la plus violente blessure de l’histoire de France contemporaine, et la belle belle belle Catherine Deneuve qui se meurt d’attendre et embouche le beau Roland Cassard, l’amoureux déçu de Lola qui ne laissera pas cette fois passer sa chance.
Le film entièrement en-chanté est porté par le complice du cinéaste nantais, Michel Legrand, qui compose une ode au plaisir qu’ont les amoureux de s’enivrer de leur amour et des noms associés au sortilège. Même si nous préférons les partitions des Demoiselles de Rochefort et de Peau d’âne, celle des Parapluies de Cherbourg émeut par la manière dont elle emmène Catherine Deneuve dans une ronde autour de son amant pour murmurer de langoureux “je t’aime”, puis confondre le nom de son soupirant et la photo de son amant.
Le film qui lança définitivement la carrière de Catherine Deneuve, Palme d’Or 1964 du jury présidé par l’immense Fritz Lang, est un plaisir pour les yeux tant la lumière de Jean Rabier, les décors et les costumes épousent à merveille la passion de l’actrice. Histoire d’un amour sacrifié par la violence de la guerre, Les parapluies est aussi le portrait du nom que chacun donne à l’amour, de la puissance des messages qui unissent les amants et de la possibilité offerte aux coeurs vaillants de survivre à la cruauté de la séparation par la fréquentation de nouveaux rivages amoureux.