Un cinéaste européen contemporain est nécessairement une personne qui doit se demander un jour ou l’autre comment sortir la représentation des Arabes de l’exotisme et de l’intégrisme, à moins de se tromper de siècle. Il y a bien entendu d’autres sujets passionnants comme la vie sexuelle de Saint-Germain des Prés, mais la vie en commun des peuples méditerranéens pour les dizaines d’années à venir est un sujet sur lequel nos descendants nous attendent, comme nous attendons aujourd’hui du Caravage et de Stendhal que les femmes soient représentées comme des êtres courageux, en chair et en os.
Namir Abdel Messeeh, cinéaste français né de parents coptes égyptiens (les Chrétiens qui ont conservé leur religion après la conquête arabe), veut tremper son scepticisme et son ironie bien français dans la foi du peuple de sa famille envers les apparitions de la vierge en Egypte (où elle vécut, selon les Evangiles, trois jours), dont la plus célèbre est celle de 1968, utilisée par le pouvoir de Nasser pour faire oublier la défaite contre Israël.
La vierge, les coptes et moi raconte dans un premier temps sous la forme d’un documentaire, le naufrage d’un premier projet de film sur ces apparitions, puis le retour aux sources du cinéaste dans le village de sa mère, et enfin sous la forme d’un making-of le tournage d’une apparition de la vierge et la réaction de ses habitants. Drôle et émouvant, le film tient beaucoup à la présence de la mère du cinéaste dans le film en modèle du matriarcat méditerranéen, que nous caricaturerons par “amoureux et légèrement envahissant”.
Le projet est typique du cinéma moderne facilité par l’accessibilité financière des petites caméras, la simplicité des logiciels de montage et le bricolage de l’autoproduction (le film a tout de même bénéficié du Prix Films en cours du Festival de Belfort). L’intelligence du cinéaste consiste à s’amuser des détestations entre chrétiens et musulmans égyptiens (réconciliés par leur haine des juifs) bien qu’il soit impossible de les distinguer d’un point de vue ethnique, en représentant la Vierge qui est dans ce pays le saint manifestement le plus respecté des deux communautés. Nous regrettons seulement que le Namir Abdel Messeeh ait préféré une pirouette finale de scepticisme au plaisir de faire durer l’image créée de la Vierge, la seule qui l’unit sans réserve aux personnages de son film. Un cinéaste n’est jamais qu’une personne qui croit en vingt-quatre ou vingt-cinq images secondes.
LA VIERGE, LES COPTES ET MOI : BANDE-ANNONCE VF… par baryla