Il y a des jours comme ça où en visionnant L’Evangile de Saint-Matthieu de Pasolini pour ne rien oublier, on se dit soudain “Merde, les Rois mages”. Le chef-opérateur Jean-Baptiste Gerthoffert qui avec sa barbe a l’air de sortir de la Bible a semblé dubitatif lorsque je lui ai demandé d’interpréter un personnage aussi éminent. A cette proposition, les professeurs m’ont même demandé s’il était possible d’utiliser un pseudonyme au générique.
Le cinéma, dernier lieu de recueillement des fidèles avant le triomphe du “Tous artistes”, permet simplement de s’assurer que les visions peuvent prendre forme : un homme s’approche d’une jeune fille, lui demande si elle est Eve, lui met un collier autour du cou et s’éloigne. Les jeunes filles disent “il est fou”, et nous voilà au coeur du sujet.
Ce film est notamment issu de discussions avec Michaël Papon sur l’impossibilité d’être prophète dans le monde moderne de l’ère du soupçon dont parlait la regrettée Nathalie Sarraute, thème passionnant qui à notre connaissance n’a été abordé que dans l’excellent Nazarin de Bunuel avec Francisco Rabal. A une époque où la religion a principalement une portée identitaire (place de la femme dans la société, condamnation des blasphèmes, etc.), L’or de leurs corps part à la recherche de la réaction de jeunes collégiens au sacré. Dans un monde extrêmement rationnel, les pouvoirs de l’une répandent une soif d’irrationnel et de fantasmes qui constituent une matière passionnante à filmer pour tenter de dé-sociologiser le regard sur la banlieue.
Pasolini – Evangile Selon Saint Matthieu par moika9