20 ans de Côté Court : Emmanuel Mouret et les tensions de la monogamie

Le Festival Côté Court et l’infatigable Jacky Evrard poursuivaient hier soir avec Emmanuel Mouret, invité d’honneur permanent de ce blog, la mesure du temps qui comme nous dit le dernier des Coen, “nous file entre les doigts”.

Le comédien cinéaste le mieux peigné de France dans un milieu où il est du dernier chic de se présenter avec une veste à la poche déchirée, a construit l’une des oeuvres les plus attachantes du cinéma français contemporain, héritière de la grande tradition verbale du cinéma hexagonal (Pagnol, Guitry, Rohmer) ou international (Woody Allen, Nanni Moretti) et du burlesque (Keaton, Chaplin), qui culminait dans son avant-dernier film Fais-moi plaisir, avant d’attendre peut-être au mois d’août son dernier opus, L’art d’aimer, au casting impressionnant (Ariane Ascaride, Frédérique Bel pour son quatrième film avec l’auteur, Judith Godrèche, Gaspard Ulliel, Stanislas Mehrar, etc.).

Comme le veulent les soirées qui préparent les 20 ans du Festival découvreur de talents (François Ozon, Laetitia Masson, les Dardenne, Laurent Cantet, et même votre serviteur bien peigné un jour sur deux), Emmanuel Mouret présentait l’un de ses premiers court-métrages, Caresse, réalisé dans le cadre privilégié de la FEMIS dont il est issu. Un auteur ne naissant pas dans les choux, il est naturel de repérer dans ses premiers films les thèmes qui irriguent son oeuvre dès cette histoire de jeune fille torturée par les rêves érotiques qu’elle partage avec un simple ami de lycée : l’ennui de la vie moderne, les tensions de la monogamie, la préférence pour le fantasme plutôt que la triste réalité, etc.

Emmanuel Mouret, membre de la tribu des Tendres, présentait aussi le bucolique Naïs d’après Zola de l’oublié Leboursier, écrit et produit par Marcel Pagnol avec la belle Jacqueline Bouvier qui devint sa femme et sa Manon des sources. La parenté entre le jeune cinéaste apparenté au cinéma d’auteur moderne et le cinéaste populaire marseillais s’éclaire lorsque Emmanuel Mouret parle de la ville d’où il vient et où il vit (Marseille), de son admiration pour le cinéma populaire et ses grands comédiens (Fernandel, Pierre Richard) et de son aspiration à un succès populaire. Puisse cet homme enchanter toujours plus de monde avec sa recette de l’auto-dérision, du tendre et de la mélancolie.

L’art d’aimer d’Emmanuel Mouret, sortie prévue au cours de l’été 2011.

20e Edition du Festival Côté Court, du 15 au 25 juin 2011 au ciné 104 de Pantin


Fais Moi Plaisir – Bande-annonce
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Toi, moi, les autres d’Audrey Estrougo : le nouveau monde

Il est tellement rare de voir des arabes et des noirs filmés comme des êtres humains dans le cinéma français que la peinture d’un XVIIIe arrondissement vivant et attachant, et de la France comme une société de castes, vaudrait à elle seule le détour vers Toi, moi, les autres.

Il est rare que deux films dialoguent autant par leur titre que Moi, toi et les autres de l’Américaine Miranda July, admiratrice d’Agnès Varda, et ce film d’Audrey Estrougo, pur produit de nos banlieues attachée à montrer un autre visage de nos ghettos depuis son premier film Regarde-moi. Chez Miranda July, un blanc des classes moyennes s’en sortait comme il pouvait avec son divorce et ses enfants métisses. Audrey Estrougo part d’autrui en offrant à Leïla Bekhti, que nous admirons beaucoup dans ce blog depuis ses apparitions dans Mesrine et Un prophète, son plus beau rôle dans celui de cette jeune habitante du XVIIIe qui tente de devenir avocate entre deux petits boulots dans ce conte de fée de gauche. Son chemin croise le chemin du pare-choc d’un héritier des beaux quartiers (le chanteur Benjamin Siksou, qui devient le nouveau beau gosse du cinéma français). Coup de foudre, etc.

Regarde-les, nous dit Audrey Estrougo en détournant les standards de la chanson française (Pour un flirt avec toi, Et si tu n’existais pas, J’attendrai, etc.), en une comédie musicale colorée pleine de bruit et de couleurs. Un Nantais comme moi ne cache pas son plaisir de voir les héritiers de Jacques Demy offrir certaines des plus belles amours du cinéma français des dernières années, de Jeanne et le garçon formidable aux Chansons d’amour en passant par Huit femmes.

Toi, moi, les autres n’a pas peur du bon sentiment lorsque le père du bellître met dans la balance la régularisation d’une sans papier et le mariage de son fils avec une héritière, mais pour avoir assisté si souvent au triste spectacle de la course entre un policier en vélo et cinquante vendeurs sans papier à la sauvette rue Dejean à Paris, je ne peux que m’incliner devant les cinéastes de la joie et de la colère qui bousculent haut les coeurs nos habitudes, nos phrases toutes faites et nos préjugés mesquins.

TOI, MOI, LES AUTRES : BANDE-ANNONCE

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True grit : le dernier amour interdit

Appelez-ça comme vous voulez, True grit de mes frères Coen est une histoire d’amour entre un homme de 60 ans et une jeune fille de 14 ans, amour impossible comme tant d’autres au cinéma, sauf que celui-là, à l’encontre des histoires de tous les autres westerns basés sur une blessure ancienne, est toujours impossible et interdit.

La charge du roman dont le film est tiré est tellement violente que la première version d’Henry Hataway en 1969, film à l’image laide et paresseuse qui vaut surtout pour le crépuscule de John Wayne, donnait le rôle de Mattie Ross, l’héroïne vengeresse de 14 ans, à une actrice de 22 ans.

Mes frères Coen ont décidé de jouer franc jeu en confiant le rôle à une actride de l’âge de l’héroïne, Hailee Steinfeld dont le courage, la douceur et la grâce juvénile avec ses superbes couettes offrent l’un des plus beaux personnages féminins de leur filmographie. Bien sûr, c’est toujours un plaisir de voir Jeff Bridges et Matt Damon s’amuser à jouer des rôles typiquement coeniens de crétins qui se prennent pour des dieux (un shérif alcoolique désabusé et un shérif texan bavard et réac), qui seuls peuvent dire sans rire “qu’un homme qui veut être enterré aurait dû mourir l’été”. Mais le cran du titre (true grit signifie du “vrai cran”) est bien celui de cette gamine qui terrorise les vendeurs de chevaux, les bandits et les shérifs.

Mattie Ross, 14 ans, fait appel au service d’un shérif réputé pour son caractère expéditif afin de venger son père assassiné froidement par un bandit de grand chemin (Josh Brolin, l’une des meilleures gueules du cinéma américain). Le shérif l’emporte dans un périple digne de l’Odyssée en territoire indien, où chaque rencontre prend des dimensions mythologiques : pendu vingt mètres au-dessus du sol, médecin recouvert d’une peau d’ours, indiens muets, etc.

Le décor majestueux de l’Oklahoma est prétexte à l’approfondissement de la relation entre le shérif et cette gamine. Là où l’on s’attendait à un nouvel examen stylisé du passé ultraviolent de l’Amérique (extermination des indiens, loi du talion, etc.), les Coen glissent peu à peu vers leur sujet favori : l’histoire est écrite par des idiots qui se prennent pour des Dieux incapables d’assumer l’impureté du monde.


TRUE GRIT : BANDE-ANNONCE VOST de Joel et Ethan Coen (2011)
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Largo Winch II : rhabiller Sharon Stone

Les actrices françaises ne connaissent pas leur chance, qui pour les plus courageuses, chanceuses et talentueuses peuvent travailler après 35 ans, alors qu’à Hollywood, où les films sont le plus souvent formatés pour les 12-25 ans, il vaut mieux créer sa légende avant trente ans pour devenir femme sandwich et vendre du luxe à défaut de continuer à faire des films.

Largo Winch II cache bien ses pépites derrière son affichage pesant à la Hollywood-sur-Seine, et l’actrice américaine est l’une d’elles, nous faisant rêver d’autres rôles pour cette actrice courageuse et sensuelle, qui mériterait autre chose qu’une ouverture en string pour jouer une procureure du Tribunal Pénal International chargée de démasquer derrière le gentil héritier Largo Winch un affreux tueur de Karens (tribu birmane oppressée par de méchants généraux) !

L’intrigue est prétexte à quelques morceaux de bravoure dont une course de poursuite automobile et une chute libre en parachute à la James Bond, des retrouvailles à la Jason Bourne entre notre héros et la procureure et un bel adieu à cet immense comédien qu’était Laurent Terzieff, qui aurait mérité d’être un peu mieux cadré lui qui finit sa carrière les mains sur la belle gorge de Sharon Stone.

Tu ne dois point faire tourner ta caméra dans tous les sens si tu n’as rien à dire, mon fils. Rappelle-toi la leçon du grand cinéma hollywoodien depuis les années 70, trop souvent mal copié en France : l’individu face au système, Matt Damon-Jason Bourne en superhéros face aux crimes commis contre l’humanité par son gouvernement en Irak (La trilogie Jason Bourne), Christian Bale-Batman inquiet de constater que le mal se délecte d’avoir un adversaire à sa hauteur (The dark knight), Leonardo di Caprio créateur d’une machine à conquérir le subconscient (Inception), mes frères Coen qui se saisissent d’un scénario de western de série B pour réaliser une magnifique ode au dernier amour interdit (True grit, qui sort ce mercredi en France). Action !

LARGO WINCH 2 : BANDE-ANNONCE VOST

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A Cinéma dans la Lune cet après-midi, Pierre a dit à Mathieu que ce qu’il y avait de bien avec True Grit des frères Coen, c’est qu’avec les frangins et Matt Damon au générique, il ne manquait plus qu’Albert Dupontel pour que toute sa famille soit réunie sur l’écran. Mathieu n’a pas eu le temps de réagir que Pierre s’est effondré en larmes.

Mathieu, embarrassé, a dit à Pierre que sa blague n’était pas si nulle que ça, même s’il n’était pas certain que tout le monde la comprendrait. Il s’est excusé de ne pas avoir éclaté de rire, prétextant qu’il était justement en train de relire son article sur le western des Coen. Pierre a dit entre deux sanglots qu’il ne pleurait pas pour cette raison, mais parce que sa maîtresse l’avait quitté. Mathieu a demandé s’il s’agissait de cette femme de plus de 50 ans qui travaillait dans les assurances. Pierre a répondu que oui, en ajoutant qu’elle avait prétexté que sa fille avait découvert son aventure, et qu’elle avait ordonné à sa mère de quitter son jeune amant sans quoi l’histoire, venant à s’ébruiter, pourrait nuire aux affaires de papa.

Mathieu, qui pouvait être parfois très maladroit, lui a dit “une de perdue, dix de retrouvées” avant de se pincer les lèvres et de repousser son clavier d’ordinateur en voyant Pierre pleurer de plus belle et baver sur son bureau. “Le plus dur, a dit Pierre, ce n’est pas qu’elle me quitte, c’est que je suis devenu son ami Facebook en utilisant une fausse identité, en me présentant comme un collègue de sa boîte, et que je sais qu’elle n’a pas de fille, alors je ne saurai jamais pourquoi elle m’a menti.”

Santiago 73 Post mortem : comment on devient fasciste

Par quelle pente sournoise un individu normal glisse-t-il vers les plaisirs odieux du fascisme ? Il n’est pas étonnant de voir resurgir en ces temps de crise des oeuvres centrées autour de l’appropriation du pouvoir par une minorité violente.

Le film chilien Santiago 73 Post mortem de Pablo Larrain a choisi le triste décor de la morgue de la capitale chilienne comme métaphore du coup d’Etat par lequel Pinochet renversa Salvador Allende. Le point culminant du film nous montre son anti-héros en train de rédiger les minutes de l’autopsie du chef de gouvernement socialiste assassiné par la junte soutenue par la CIA.

Pablo Larrain filme dans les couleurs tristes et ternes produites par les objectifs russes utilisés en son temps par Tarkovski, la déshumanisation d’un homme et d’un pays par une suite de chocs éprouvants, des plus banals et individuels aux plus effrayants et collectifs : misère sexuelle, jalousie envers un rival gauchiste, montée de la peur consécutive à l’accumulation des corps dans la morgue, répression impitoyable des plus petits faits de résistance.

Le goût du cinéaste pour le grotesque (le spectacle minable des effeuilleuses) et pour quelques effets très “cinéma d’auteur” (la crise de larmes soudaine des deux personnages en plan séquence) rebuteront certains, mais l’accumulation des cadavres est l’une des images les plus effrayantes produites par le cinéma ces derniers temps. La reprise de l’excellente mise en scène de Rhinocéros par Emmannuel Demarcy Mota au Théâtre de la Ville, ou l’inéluctable déshumanisation d’une communauté, complète intelligemment ce parcours dans le siècle des extrêmes.

SANTIAGO 73, POST MORTEM : BANDE-ANNONCE VOST HD

envoyé par baryla. – Court métrage, documentaire et bande annonce.

A Cinéma dans la Lune ce matin, Djamila a félicité Mathieu pour avoir écrit un article sans citer une seule fois Jacques Mandelbaum, en ajoutant qu’avec quelques années d’entraînement il réussirait sans doute à se débarrasser de sa citationnite d’hypokhâgneux. Celui-ci a dit qu’elle était jalouse parce qu’elle aurait bien aimé passer par les classes préparatoires littéraires du lycée G. dont le proviseur lui avait hurlé dessus un jour qu’il embrassait une très belle femme dans la cour : “Vous n’avez rien d’autre à faire ?”.

Djamila a croisé Hélène, qu’elle a félicité pour sa robe. Celle-ci l’a remerciée en disant qu’elle en était très contente car elle faisait des ravages avec sa robe La petite Française depuis qu’elle l’avait achetée chez Kyrie Eleison. Elle a ajouté qu’heureusement qu’elle s’offrait des robes parce que son homme venait de lui offrir sa lingerie coquine annuelle pour la Saint-Valentin. Djamila a dit qu’elle n’avait pas eu cette chance parce que son amoureux avait eu l’étonnante idée de l’emmener en Tunisie pour le week-end, en soutenant que c’était maintenant qu’il fallait visiter ce pays, et pas il y a six mois sous la dictature. Elle a dit qu’elle avait passé un excellent séjour et que cette escapade s’imposait parce qu’avec la vie parisienne, ils n’en venaient à faire l’amour qu’une fois par semaine, alors qu’au bord de la mer, ils n’avaient pas cessé de se câliner.

Rhinocéros d’Eugène Ionesco mise en scène d’Emmanuel Demarcy Mota du 29 avril au 14 mai 2011 au Théâtre de la Ville

La loi du silence : Hitchcock ou le meurtre par procuration

La Loi du silenceHitchcock a inventé avec Psychose en 1959 le meurtre pour les générations qui n’assisteraient à aucun meurtre, ultraréaliste et violent, résolution et refoulement de fantasme, peinture de “la face cachée du rêve amércain, c’est-à-dire l’artificialité, l’hypocrisie, les névroses, la violence et la malveillance qui affectent secrètement la vie professionnelle et privée dans tout le pays” (Patrick McGilligan).

La reprise d’un de ses films les moins connus tournés à Québec, La loi du silence (I confess), avec le torturé Montgomery Clift, qui avait toujours l’air malheureux à l’écran, et la belle Anne Baxter d’Eve, est l’occasion de se replonger dans les thèmes favoris du cinéaste : un meurtre jouissif, un faux coupable impuissant et un final haletant.

Alfred Hitchcock explique à Truffaut dans leurs entretiens qui restent à ce jour le plus grand livre écrit sur le cinéma que le public ne s’était vraisemblablement pas rué vers les salles pour La loi du silence en raison du manque de crédibilité de l’intrigue pour la majeure partie des spectateurs : Père Logan (Montgomery Clift) est accusé du crime d’un notable dont l’auteur s’est confessé auprès de lui, mais son voeu lui interdit de révéler le résultat de cette confession. Or ce voeu n’a pas de sens pour les protestants et les non-croyants.

La longueur du film, notamment dans la scène du jugement du prêtre, ne plaide malheureusement pas en sa faveur, mais le cinéaste anglais nous réserve un final sublime, lorsque l’homme que toute la ville croit coupable puisque l’homme décédé voulait le faire chanter pour avoir aimé une femme avant son ordination, est jeté en pâture de la foule. Le visage inquiet du très tourmenté Montgomery Clift atteint ses sommets face à cette foule haineuse en quête de sang qui semble provenir des chef-d’oeuvres du cinéma russe. Montgomery Clift s’agenouille pour donner l’extrême onction à l’homme qui a voulu le condamner à sa place dans une de ses images dont Hitchcock avait le secret, synthétisant en un cadre le drame et le sublime de la condition humaine.

La loi du silence – Trailer

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A Cinéma dans la lune ce matin, Djamila a réuni l’équipe en conférence de rédaction pour débattre de la couverture du site mercredi prochain, en débattant de l’opportunité d’ouvrir le site plutôt sur le film argentin Santiago 73, le film iranien The Hunter, ou le film américain Jewish Connection avec l’acteur qui jouait le créateur de Facebook dans The social Network. Pierre, qui avait l’air béat, a déclaré que le seul film qui méritait un semblant d’attention était Halal, police d’Etat, avec Eric et Ramzy. Cris pensait qu’il fallait parler de l’adaptation de la BD Largo Winch avec Sharon Stone.

François a demandé à Pierre pourquoi il avait l’air aussi béat. Celui-ci a raconté qu’il avait croisé le regard d’une femme sublime dans le métro au cours de la semaine dernière et qu’il l’avait suivie jusqu’au siège social d’une importante société d’assurance. Elle devait avoir près de 55 ans. Il l’avait abordée juste avant qu’elle n’entre dans son entreprise. Elle avait souri et avait dit qu’elle avait bien le droit de prendre un amant qui avait l’âge de son fils vu que sa fille aînée était désormais à l’Université et qu’elle n’avait plus besoin d’elle pour faire ses devoirs. Elle l’avait rejoint le soir même et ils étaient devenus amants, en expliquant qu’après tout elle avait découvert que son mari couchait avec sa meilleure amie. Pierre a dit que c’était une femme merveilleuse, expérimentée, très attentive à son propre plaisir.

Djamila a dit qu’elle était très heureuse de débattre de la vie sexuelle de Pierre, mais qu’elle aimerait bien que quelqu’un parle de la biographie de Hitchcock traduite de l’américain. François a proposé de s’en charger, même s’il trouvait qu’un cinéaste dont le nom comportait le suffixe cock relevait plutôt du domaine de Pierre. Celui-ci a dit que François se permettrait de se moquer de lui le jour où il donnerait du plaisir à une femme. Djamila a dit :”Coupez !”

La loi du silence, au Champo, 51 rue des Ecoles, Métro Cluny Sorbonne, 12 heures, 15 heures 10, 18 heures 15, 20 heures, 21 heures 50.

Alfred Hitchcock, une vie d’ombres et de lumière, de Patrick McGilligan, Edition Institut Lumière/Actes Sud, 32 euros.

Black Swan : l’éperon, la prune et la hurlante

C’est l’histoire d’un Français arrogant, d’une New-yorkaise stressée et d’une Californienne qui minaude. Les trois se jettent dans l’eau pour créer une nouvelle version du Lac des Cygnes de Tchaïkovsky au Lincoln Center. Qu’est-ce qu’il reste ? Le dernier film effrayant de Darren Aronofsky.

Le cinéaste ex-prodige réalisateur de Pi, au style qu’il n’est pas interdit de trouver un peu saoûlant, n’a pas fait mine de voir le documentaire de Wiseman sur le Ballet de l’Opéra de Paris (intitulé sobrement La Danse) pour plonger dans les rituels de la création d’une chorégraphie et de la perversité entre les artistes Pygmalions et leur création.

Vincent Cassel s’en donne à coeur joie pour faire peur à ses dames en chorégraphe de ballet prototype de l’élite française arrogante et sûre d’elle.

Natalie Portman, la grâce incarnée, se voit confier le rôle de rêve de toute ballerine, la Reine des Cygnes, mais sa réalité vacille autour de l’autorité de sa mère castratrice et de la jeune rivale débarquée de Californie : les murs se mettent à lui parler, le moindre passage de solitude est prétexte à un croisement de son double, etc.

Aronofsky maîtrise l’effroi de la jeune femme tétanisée par l’enjeu dont nous ne dirons pas dans ces lignes s’il relève du fantasme ou de la schizophrénie. Il a le don pour transformer la moindre scène de masturbation heureuse du matin en symphonie de la culpabilité et de la honte. S’il fallait en déduire que nous sommes face au meilleur film du cinéaste, nous nous inclinons.

BLACK SWAN : BANDE-ANNONCE 1 VOST HD (2011)

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Rien à déclarer de Dany Boon : western familial à la frontière

Dany Boon a réinventé pour son troisième film le lieu mythologique du cinéma américain, la frontière qui séparait les blancs des indiens, en imaginant que les Belges joueraient le rôle des cowboys et les Français celui des Indiens.

Benoît Poelvoorde fait plaisir à voir dans son jardin, surexcité, haineux, provocateur et finalement tendre en douanier francophobe (il a le plissement de sourcil le plus impressionnant de tout le cinéma contemporain), europhobe et raciste, qui terrorise son collègue français (Dany Boon) amoureux malheureux de la soeur du premier (Julie Bernard).

Dans une époque de peur, où il est tentant de se recroqueviller sur son petit territoire mental et géographique, Dany Boon s’amuse à revenir en arrière, quelques jours avant le 1er janvier 1993, lorsque l’Europe était impensable pour certains avant de devenir notre quotidien. Mais contrairement à d’autres comiques qui succombent à la tentation de la nostalgie, c’est bien la Belgique et la France d’aujourd’hui qu’il filme, apeurés d’être avalés par le mouvement du monde, mais tellement proches comme de leurs voisins européens qu’ils n’ont plus aucune raison de se faire la guerre.

A Cinéma dans la Lune, un jeune homme, Chris, est arrivé à la rédaction alors que l’ambiance était morose depuis deux semaines. Alors qu’Hélène se demandait comment elle allait pouvoir faire pour résister à ne pas draguer ce beau collègue métisse, Pierre a éclaté de rire en apprenant que celui-ci venait travailler pour le site, avant de lui dire que Cinéma dans la Lune était au bord de la faillite.

Djamila est alors sortie du bureau de Philippe pour présenter Chris, avant d’inviter tout le personnel à entrer dans le bureau du rédacteur en chef. Philippe a annoncé que Djamila avait trouvé un investisseur pour le site dont elle assurerait à présent la direction. De ce fait, tous les sujets relatifs aux salaires et aux congés devaient être vus avec elle. Djamila a précisé que Philippe conserverait sa fonction de rédacteur en chef, et elle de responsable du bureau France.

Pierre a demandé si elle avait épousé un prince Saoudien. Djamila a répondu qu’elle était prête à rire de tout, mais pas tout le temps, et que cet investissement était suffisant pour donner de la visiblité au site pendant six mois. Djamila a expliqué que l’investisseur, qu’elle avait rencontré au dernier Festival de Cannes, tenait à rester anonyme. Celui-ci était attaché à la position de Cinéma dans la Lune sur les CSP+, même si l’audience du site reste éloignée de celle d’Allocine et Telerama.fr. Thomas a demandé ce que Chris venait faire au journal. Djamila a annoncé que ce jeune homme, qui avait obtenu le Prix du meilleur critique cinéma 2010 décerné par la société MTC, rejoignait le site pour épauler Thomas sur le cinéma américain. Chris a notamment fait parler de lui pour un article remarqué où il indiquait que dans la plupart des 200 films français tournés en 2009, à l’exception de ceux de Claire Denis qui seront projetés dans 200 ans pour montrer qu’elle était en avance sur son temps, les noirs étaient le plus souvent absents, ou alors jouaient des rôles de voleurs, dealers et assassins. Une partie de la critique avait hurlé au communautarisme qui faisait le lit de “Ben Laden et le Front National”, ce qui ajoutait l’insulte à la bêtise car Chris était athée, de père blanc et de mère camerounaise.

Djamila a demandé à l’assistance de se remettre au travail. Lorsque tous les collègues eurent quité la salle, Thomas a présenté ses excuses à la jeune femme pour son comportement, et demandé à Djamila si elle avait nommé Chris pour le punir. Elle a répondu qu’elle avait recruté ce dernier pour étoffer le positionnement du site sur l’Amérique et qu’elle n’aurait rien contre Thomas tant qu’il se contenterait de venir au travail tenir sa plume.

Bande Annonce Rien à Déclarer Dany Boon

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Carancho de Pablo Trapero : à bout de souffle

L’histoire la plus vieille du monde, un minable rencontre une femme formidable, est prétexte à un grand polar argentin sur fond d’arnaque aux assurances. Ricardo Darin, l’excellent avocat du drame historique Dans ses yeux, joue ici un rapace (“carancho” en espagnol), qui met en scène des accidents pour permettre à ses clients de toucher une prime. Il tombe amoureux un soir de la belle urgentiste Lujan (Martina Gusman), puis se retrouve pris dans un engrenage mortel le jour où l’un de ses clients meurt de l’accident.

Carancho est brillamment mis en image par Julian Apezteguia, avec la même frénésie d’A tombeau ouvert de Scorsese, consacré à la vie survoltée d’un ambulancier urgentiste new-yorkais. Pablo Trapero filme des habitants de Buenos Aires épuisés par les cadences infernales du monde moderne, où l’on demande toujours plus de productivité aux ouvriers, au personnel médical, aux enseignants, etc. Lujan se drogue pour rester éveillée, Ricardo Darin tente d’échapper à la spirale de la pègre. Le cinéaste ne nous laisse aucun répit avec ses personnages au corps systématiquement coupé par le cadre, en train de se frotter les yeux pour continuer à vivre, jusqu’à son final en forme d’arroseur d’arrosé, comme si le cinéaste avait eu, comme c’est souvent le cas, peur du brûlot qu’il tenait entre les mains. Film noir, disent-ils, bien vivant, le poing levé, la caméra à hauteur d’hommes malheureux et de femmes soucieuses.

A Cinéma dans la Lune ce matin, Pierre s’est approché de Thomas en lui glissant à l’oreille “alors, tu n’as pas posté ta lettre de démission”, avant d’éclater de rire. Thomas lui a fait un geste que les annonceurs nous interdisent de reproduire dans ces lignes. Philippe, le rédacteur en chef, a traversé les bureaux les yeux scotchés à la moquette en murmurant une forme de bonjour. Il a convoqué tout le personnel dans son bureau cinq minutes plus tard.

Dans le bureau, il a pris le temps de servir le café avec un sourire triste, mais tout le monde restait silencieux. “Alors”, a demandé Hélène, “t’accouches ?” Philippe a annoncé que malgré toute la qualité du travail accompli par les journalistes et les commerciaux, les recettes publicitaires ne couvraient pas les coûts du site et les banques refusaient de prêter davantage d’argent. Il a dit qu’il allait être obligé de vendre ses parts au plus offrant pour redresser la situation, et que son successeur ne garderait vraisemblablement pas tous les salariés.

L’équipe de Cinéma dans la Lune a soupiré, les yeux dans le vague. Mathieu pensait à son écran plat, Pierre au coffret DVD des comédies de Judd Apatow, François à ses nouvelles étagères qui devaient accueillir ses romans de Louis-Ferdinand Céline et Albert Cohen, Thomas à son édition Collector de Piranha 3D incluant le DVD, le poster et les poupées gonflables des deux sirènes du film, Hélène pensait aux centaines de kilos de couche qu’elle devrait acheter pour son bébé, Hugues à la nouvelle Peugeot 508 et Djamila à ses vacances en Italie avec son amoureux. Philippe a eu un sourire triste avant de dire “Coupez !”.


Carancho Bande-annonce 1
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