
Etant donné qu’il est conseillé de connaître l’ennemi pour mieux lutter contre lui, c’est tout naturellement que je suis allé voir Une éducation de Lone Scherfig,qui raconte l’histoire d’amour entre une jeune femme de 16 ans et un homme deux fois plus âgé qu’elle dans l’Angleterre du début des années 1960.
Ceux qui ont été élevés au cinéma par la génération du Dogme, cette bande de Danois mal peignés qui a secoué le cocotier dans les années 1990 avec des films novateurs et dérangeants comme Festen et Les idiots ont pu croiser la route d’Italian for beginners de la même Lone Scherfig, une réjouissante histoire de bande, qui sans casser trois pattes à un canard, avait le mérite de faire Coin-Coin sans fausse note.
Une éducation nous transporte dans l’univers balisé des récit d’apprentissage, où les jeunes gens apprennent après quelques blessures que la vie “n’est pas un conte de fée” (ce que nous rappelle, dans la même salle, la bande-annonce de L’arbre et la forêt de Ducastel et Martineau dont nous reparlerons sans doute ici).
La jeune Jenny, qui place deux mots de français par phrase, écoute Juliette Greco et explique Camus à ses

copines tellement c’est chic, croise la route d’un charmeur sympathique, qui lui offre tout ce que sa terne vie de classe moyenne lui interdit : les clubs de jazz, le voyage à Rome, la sensualité, et même le soupçon d’interdit avec ses affaires louches.
Une éducation n’est pas parti pour révolutionner le genre et dépasser l’audacieuse fin du Lauréat (où Dustin Hoffman, juif, volait sa maîtresse WASP en plein mariage), mais Lone Scherfig apporte énormément de conviction et un regard tendre plutôt que désirable envers l’héroïne du cinéma romantique. Comme me disait ce bon René Char, qui me donna à manger un jour où je faisais du stop en provence en 1987, et que je lui faisais part d’une déception amoureuse : “Vous savez, il sera toujours temps d’apprendre que l’on ne taille pas dans la vie sans se couper.”