Annie Hall de Woody Allen se terminait par la plaisanterie suivante, racontée par le comédien réalisateur. Un homme internait son frère dans un hôpital psychiatrique sous prétexte qu’il se prenait pour une poule. Une semaine plus tard, il venait rechercher son frère en déclarant “j’ai besoin des oeufs”. 500 jours ensemble de Marc Webb ne renouvelle pas profondément la recherche cinématographique sur les forces d’attraction qui agissent entre les individus, mais a le mérite d’apporter un regard frais et malicieux sur le besoin de couple, aussi absurdes et illogiques que soient les rapports humains.
Aujourd’hui, les bobos ne se rencontrent plus au tennis, comme chez Woody Allen en 1977 (pour ceux que ça intéresse, mon année de naissance), mais au travail, dans un lieu tant honni (à ne pas confondre avec Tonton Tony) par leurs aînés, les open spaces, actuellement décriés pour leur formidable propension à transmettre les microbes et à multiplier les nuisances sonores, mais qui n’en offrent pas moins un superbe panorama sur l’environnement.
Le jeune Tom, qui traîne son ennui trentenaire à rédiger des cartes de voeu qui lui permettent d’oublier qu’il voulait devenir architecte, tombe amoureux d’un coup de cil des yeux bleus de Summer (“été”, pour tous ceux qui permettent à la France d’être classée 25e en termes de maîtrise de l’anglais parmi les 43 Etats européens), la nouvelle assistante de Direction, qui aime autant les Smiths que lui. Il mésinterprète les signes de la Dame, tente la méthode lourde (lorsqu’elle demande “est-ce que je peux vous ramener quelque chose de la réserve”, il répond “tu sais très bien ce que je veux”), avant de la laisser faire (elle l’embrasse fougueusement dans la salle des photocopieuses avant de s’enfuir pour accroître le désir).
Seulement voilà, elle préfère qu’ils “restent amis” parce qu’elle garde une réserve vis-à-vis de leur histoire. La meilleure trouvaille du film est sans doute la petite soeur de Tom, à peu près 13 ans, qui console et conseille son benêt de grand frère les soirs de déprime et d’incompréhension devant le chromosome X (le chromosome Y étant, comme le rappellent les féministes, nécessairement incomplet puisqu’il y manque une barre pour être parfait).
Le charme diffus de (500) jours ensemble tient notamment à sa narration décousue qui navigue sans cesse entre les 500 journées, des jours de passion et de gaminerie chez un célèbre vendeur de meubles suédois, aux jours d’ennui et de dispute. L’hommage aux aînés, en gros du cinéma américain des années 70, Le lauréat de Mike Nichols en tête, à Truffaut-Godard et Ingmar Bergman, est sympathique, mais il montre bien les limites du propos. Mike Nichols filmait un Dustin Hoffman s’attaquant sur un air de Simon and Garfunkel aux conventions sociales, et unissant malgré tout un juif et une WASP. Mark Webb est trop sage pour dépasser une morale de l’apprentissage de la séparation, mais il n’est pas interdit de voir dans une fin qui pourrait paraitre conventionnelle sur la reproduction sociale et la faible part du hasard dans nos vies, un constat mélancolique sur la tristesse des conventions que nous appliquons de manière inconsciente. “Les sanglots longs des violons de l’automne, etc.”.