“Je veux sentir mon ventre et mes seins gonfler. Sentir les mains d’un homme amoureux sur mon ventre. « Malheur aux filles qui croient en l’amour » disait Maman. T’avais qu’à pas épouser mon crétin de père.“
Mathieu Tuffreau, La rose des sables
Juno de Jason Reitman fait partie de ces rares films qui sont meilleurs que leur bande-annonce, le contraire étant hélas souvent vérifié. La bande-annonce voudrait nous faire croire à une bluette sentimentale pour adolescents, ayant peur sans doute de susciter des sentiments adultes chez le spectateur, alors que Juno raconte, comme le dit l’héroïne à la fin du film, tout bêtement l’histoire de deux adolescents qui comprennent qu’ils sont amoureux l’un de l’autre une fois qu’ils se sont reproduits.
Nous ne livrerons pas ici l’avenir du bébé de cette adolescente de seize ans (Ellen Page) qui fait mine de se pendre avec une corde en bonbon une fois qu’elle apprend qu’elle est enceinte du mec le plus neuneu du lycée. Mais j’éprouve un grand plaisir à raconter le bonheur que prend cette toute jeune femme à affronter le regard que toute sa communauté portera sur sa grossesse, depuis ses parents, consternés, mais finalement rassurés (sa belle-mère “aurait préféré qu’elle se drogue”) jusqu’à ses camarades de lycée, en passant par la gynécologue ou les parents candidats à l’adoption.
Il faut aussi voir l’éclair dans les grands yeux d’oiseau perdu de la mère candidate à l’adoption (“née pour être mère”, selon ses propres mots), interprétée par Jennifer Garner, lorsqu’elle caresse le ventre de Juno et sent vivre son enfant.
Enfin, Juno est un film pour les femmes, où les hommes, à l’exception du père de Juno qui a une remarque imparable (dont la bande-annonce, décidément infidèle, coupe le meilleur: “le mieux est que tu trouves une personne qui t’aime vraiment, pour elle, même ta merde sentira la rose”), sont une bande de grands enfants irrécupérables. Finalement, Juno est un film éminemment contemporain en ce qu’il souligne que les hommes vont devoir accomplir un énorme boulot pour arriver à la cheville des femmes.