Quel est le point de départ de Voyage en Kabylie ?
Le père d’un ami commun, Hamid, a envoyé une invitation à Mathieu pour lui permettre de visiter l’Algérie il y a quelques années. A la mort de cet homme, la mère de Hamid lui a demandé si Mathieu était un enfant que son père avait eu lors de ses années d’émigration en France. L’idée a germé de réaliser un film sur cet enfant devenu grand, rencontrant sa sœur, son frère et sa belle-mère en Algérie, en Kabylie. Hace a pensé que ce tournage dans le village où il a grandi était une belle façon pour parler tendrement de cette tristesse qui étrangle les cœurs piégés dans la mélancolie. Mathieu a voulu découvrir le pays avec lequel la France entretient la mémoire la plus douloureuse.
Comment vous êtes-vous répartis les rôles sur le tournage ?
Hace a choisi des comédiens non professionnels avant le tournage, de son village de petite Kabylie, à 30 kilomètres d’Azazga, dont il connaît tous les champs et toutes les rues. Il a choisi les décors : le vieux quartier colonial d’Azazga, le village d’Iguersafene reconstruit après l’indépendance, la montagne qui entoure et nourrit le village, la station balnéaire de Tigzirt et son temple de Saturne pour l’époque romaine de la Kabylie. Mathieu a écrit une partie des dialogues, interprété le rôle du Français pour des raisons pratiques. Nous avons voulu filmer la Kabylie à rebours des préjugés tenaces qui s’attachent à à l’Algérie où de nombreux films ne voient que des terroristes et des femmes soumises.
Que retirez-vous de ce voyage cinématographique ?
Le cinéma, c’est filmer un visage qui entre en résistance, d’une dame qui a embrassé la cause de l’indépendance algérienne tout en regrettant aujourd’hui le manque de soutien du gouvernement, ou des personnages qui s’approchent, se frôlent et se mordent parfois tant la rancoeur est restée vive. Le cinéma, c’est briser le silence qui étrangle les cœurs timides ; c’est le mouvement d’une caméra qui grave éternellement une larme qu’une femme cache – par fierté – quand les mots lacèrent sa mémoire. Les mots n’effaceront jamais le mal causé par les mains sales du passé. « La relation s’accomplit dans l’accueil d’Autrui où, absolument présent, dans son visage, Autrui – sans aucune métaphore, me fait face », écrit Emmanuel Levinas. Nous avons voulu filmer le moment où autrui nous transforme en visage. Comme dans L’Iliade de Homère, une guerre a profondément marqué les corps et les esprits de deux peuples, et à présent nous cherchons à filmer la paix en empruntant à l’histoire, aux mythes et au hasard.
Synopsis : Zahir, qui vit dans un petit village de Kabylie, découvre à la mort de son père l’existence d’un frère en France, Mathieu. Il l’invite dans son pays où il lui demande de ne rien dire à leur soeur Lamia, qui cherche à en savoir plus.
Voyage en Kabylie est sélectionné à la 5e édition du prix Bouamari-Vautier 2022.
Voyage en Kabylie est sélectionné aux Journées internationales du film amazigh d’Ars-en-Moselle en mars 2022
“Une véritable métaphore de la fraternité retrouvée qui assouvit notre besoin de fuir le climat des haines ambiantes”.
Martine Schauvliège, Sens critique
“Le film exprime avec beaucoup de conviction la force du lien, le jaillissement de lumière que la rencontre permet.”
François-Xavier Thuaud, Le bleu du miroir
“La douleur des relations franco-algériennes, si souvent évoquée depuis bientôt deux siècles, trouve ici un apaisement baigné dans une douce mélancolie”.
Abdessamed Sahali, Le courrier de L’atlas, juillet août 2020
Réalisation, scénario, production : Hace Mess et Mathieu Tuffreau Image : Hace Mess Son : Frédéric Dutertre, Lilia Zerioul Montage : David Fernandes, Pierre Millet Musique : Abdenour Djemai Interprètes : Lamia Zerioul : Lamia, Dahbia Hammache : Dahbia (la belle-mère), Zahir Messaoudène : Zahir, Mathieu Tuffreau : Mathieu, Etalonnage : David Fernandes, Mixage : Frédéric Dutertre, Directeurs artistiques : AAAAA-Atelier. 80 minutes